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Souvenirs de pension de Denise, 1934-39 (7) : Saint-Denis 1

22 janvier 2023 Témoignages
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Nous remercions beaucoup Marie-Sophie MIOTTO qui nous a envoyé le recueil des souvenirs de sa grand-mère, Denise PUTFIN (PETIT 1934-39) qui a fréquenté les Maisons d'Écouen de 1934 à 1936 puis de Saint-Denis de 1936 à 1939. Nous continuons de la suivre dans ses souvenirs...

 

7. Saint-Denis (1)

 

En octobre 1936, je suis donc rentrée à Saint-Denis. Le jour de la rentrée, les parents nous laissaient au parloir. En sortant du parloir, nos valises étaient fouillées pour vérifier que nous n'avions pas de choses interdites : des livres, du maquillage, des denrées périssables, etc. Les livres personnels devaient recevoir le visa de la directrice des études, on nous les rendait quelques jours après. Il en était de même à chaque rentrée de vacances ou de parloir. Ensuite, une stagiaire (suppléante des surveillantes) venait nous chercher pour nous conduire à nos classes respectives. J'étais en classe aurore C (4e). Je retrouvais des compagnes d'Ecouen mais aussi des élèves venant des Loges, la troisième de nos Maisons d'éducation, près de Saint-Germain-en-Laye. Pour nous rendre dans ces classes, nous traversions toute la Maison, par les cloîtres, car les petites classes aurores et bleues se trouvaient dans un bâtiment à part, perpendiculaire au reste de la maison et relié à celle-ci par un couloir vitré qui arrivait en bas du grand escalier qui menait aux dortoirs et près de la porte du réfectoire. Dans ce bâtiment, les classes étaient au premier étage. Au rez-de-chaussée, il y avait la salle des fêtes et des toilettes. On l'appelait le petit bâtiment.

La Maison par elle-même est l'ancienne abbaye fondée par le roi Dagobert, elle est accolée à la basilique dans laquelle repose la plupart des rois de France jusqu'à Louis XVIII. Au centre, un jardin carré, très bien entretenu où personne ne pénétrait jamais, excepté les jardiniers. Autour, quatre grands cloîtres, vitrés côté jardin. D'un côté du cloître, il y avait le réfectoire. Le long du deuxième cloître, la chapelle, la grande sortie sur la promenade, les ateliers de dessins et une autre sortie, tout cela très haut de plafond. Sur le troisième côté se trouvaient les appartements de la Surintendante, le grand vestibule d'honneur d'un côté et l'escalier qui menait aux grandes classes et de l'autre côté l'escalier qui menait au couloir de la musique. De ce côté, à mi-hauteur, il y avait également un étage intermédiaire avec les appartements des autres Dames de la Maison. Le quatrième côté était celui du mur qui nous séparait de la basilique. Une porte avait été murée et devant se dressait une grande statue de la Vierge à l'Enfant. Au bout de ce côté-ci, on pouvait passer dans un autre bâtiment et où se trouvaient : les salles de bain et de douche, la pharmacie, les salles de gymnastique, les laboratoires de sciences, et au premier étage l'infirmerie. Ce bâtiment faisait face à celui des petites classes.

A l'étage des cloîtres, côté promenade, il y avait les dortoirs ; au-dessus du réfectoire, les grandes classes, et au-dessus des appartements directoriaux : les salles de musiques.

Notre uniforme était le même, puisqu'il nous suivait, mais nous n'avions plus de sarrau par-dessus la robe ; nos robes étaient fendues au niveau de la poche ainsi plus accessible esthétiquement. A la rentrée de Pâques, on nous coupait les manches de la robe de tous les jours, mais on gardait les manches longues sur celle des dimanches, car elle revenait l'année suivante pour la semaine. Par contre, la ceinture ne se portait pas de la même façon. A Écouen, elle se portait autour de la taille avec deux pans qui retombaient derrière, tandis que là, elle se croisait derrière pour revenir devant autour des épaules et retourner au dos, à la taille où elle était attachée avec une épingle à nourrice qui devait être invisible. Au début, souvent nous nous la mettions mutuellement. Les multicolores (élèves de terminale) la portaient en bandoulière.

Les études étaient libres, car nous étions sensées savoir nous organiser dans notre travail. Celles qui ne faisaient pas de musique, restaient en étude et n'allaient plus au raccommodage. L'emploi du temps était très sensiblement le même qu'à Écouen. Le matin par contre, nous faisions la prière à genoux, au pied des lits dans l'allée centrale. Les protestantes et libres penseuses devaient rester assises près de leur lit. C'était la grande prière du matin qui se trouvait dans les missels de cette époque-là, elle était assez longue ; et le soir pareil pour la prière du soir. Il y avait la messe tous les matins, mais c'était facultatif, sauf le jeudi et le dimanche. Pendant ce temps, nous avions la gymnastique quotidienne, dehors quand il faisait beau et sous les cloîtres par mauvais temps et l'hiver, mais là, nous y avions très froid, aussi la chapelle se remplissait car il y faisait plus chaud. Nous avions toujours des cours d'instruction religieuse, mais on pouvait poser des questions à notre aumônier, c'était plus vivant. Toutes les semaines, nous pouvions aller à confesse. Chaque classe avait son jour et son heure. Pendant le carême, avant de partir pour les vacances de Pâques, nous avions une récollection et au mois de mai, nous avions le mois de Marie avec chapelet et le salut du Saint-Sacrement.

Le couloir de la musique comportait la grande salle d'étude de musique au bout avec un nombre impressionnant de pianos et le long du couloir, des petites chambres d'études individuelles comme à Écouen ; il y avait aussi deux grandes salles de solfège et chant. Pour le violon, j'avais ma petite chambre attitrée, mais quand je suis rentrée en classe bleue (3e) l'année du brevet, j'ai prétexté que nous avions trop de travail et que ça me faisait des heures d'étude en moins et j'ai arrêté le violon. Mon père n'était pas très content, mais je lui ai promis de reprendre après, et finalement je suis restée sur mon acquis.

Il y avait deux grandes salles de dessin communicantes où nous pouvions être à deux classes en même temps. Dans ces salles il y avait de grandes statues en plâtre grandeur nature : un discobole, le David de Michel-Ange, la Victoire de Samothrace, la Vénus de Milo, une Cariatide qui devaient nous servir de modèles ainsi que de nombreuses frises en plâtre. Là, il n'était pas question de s'amuser à autre chose ; mais malgré quelques progrès, je n'ai jamais été bonne en dessin.

En couture, comme je brodais bien, on me mit dans la section broderie. Nous étions peu nombreuses, nous faisions des napperons, des services à thé ou des services de table pour la vente de charité qui se tient chaque année, à Paris, à la grande chancellerie. Je suis restée deux ans dans cette section broderie. En classe Nacarat, je crois que nous n'avions plus de couture.

Les punitions étaient sensiblement les mêmes qu'à Écouen, mais nous n'avions plus de lignes ni de verbes. Cette année-là, en classe aurore C, nous avions comme surveillante madame Cambournac, mais ce n'était plus Chochotte, il fallait se tenir tranquilles, elle ne badinait pas avec les mauvais points.

Les rapports mensuels prenaient un air très solennel, il y avait la Surintendante, l'Inspectrice, la Directrice des études, la Surveillante générale et notre surveillante de classe qui donnait son appréciation sur notre conduite.

Les grandes récréations se passaient moitié dans le parc, moitié sur les promenades qui se trouvaient entre les deux bâtiments extérieurs avant l'entrée du parc et qui remplaçaient les bergeries. Au milieu se dressait une stèle avec Bayard, le chevalier sans peur et sans reproche. Chaque classe avait son allée. Nous ne jouions pas, ou à des jeux ne demandant pas trop d'espace, car il n'y avait pas assez de place, nous nous y promenions plutôt en bavardant. Il y avait bien le volley-ball, mais chaque classe avait son tour et nous ne pouvions pas toutes y jouer ensemble. De même pour le tennis, il n'y avait qu'un court, c'est dire que nous ne l'avions pas souvent, et là, nous ne pouvions pas jouer dans les allées comme nous le faisions dans les bergeries. Le parc n'était pas aussi beau que celui d'Écouen, mais il y avait un endroit que nous aimions bien et qui s'appelait la petite Provence, c'était très ensoleillé et nous y allions souvent, mais toujours par classe et plus ou moins en rangs. Cette petite Provence a été rachetée par la suite par la ville de Saint-Denis pour en faire un parc municipal. C'est très dommage pour les élèves actuelles, mais il est vrai qu'elles sortent plus que nous et ont plus de liberté dans le reste des espaces verts.

 

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